Chapitre 4 — La forteresse vivante
Závist ne vit pas que de rituels et de trésors. Les murs de l’oppidum, étirés sur près de 170 hectares, ceinturent la colline de Hradiště, transformant le plateau en une citadelle imprenable. Des fossés de quatre mètres de profondeur et de dix mètres de largeur protègent l’entrée principale, tandis qu’aux abords, des « loup-s‘engluer » — fosses creusées dans le roc et garnies de piques — attendent l’ennemi, mortels guets-apens celtes.
Alaunia gravit les gradins mal taillés jusqu’à la base d’un rempart en terre et en pierre. Elle y pose la main.
— Les Markomans affluent du nord, murmure-t-elle.
Brannos, chef de guerre, inspecte la palissade.
— Les lames germaniques ne traverseront pas ces rondins de chêne : nos palissades ont été doublées d’un parement de pierres ; dans certains secteurs, la muraille atteint cinq mètres d’épaisseur , répond-il en juchant son long bouclier contre la levée de terre.
Ils rejoignent l’acropole, cœur défensif et spirituel, dont les murs de pierre — longs de soixante-dix mètres sur cinquante-cinq mètres — constituent la plus ancienne architecture monumentale de Bohême, inaugurée entre 150 et 50 av. J.-C. Alaunia agit comme si elle bénissait la pierre :
— Chaque bloc parle du passé. Telle est notre armure la plus sacrée.
Brannos hoche la tête :
— Et nos forgerons et nos carriers ont su élever ces fondations comme un autel ; j’y vois la main des dieux.
Plus bas, des points de passage – voûtes de bois et pierres polies – dessinent les contours d’un « grenage », porte pincée qui étend le chemin défensif en couloir étroit, idéal pour tenir une armée à distance et forcer l’ennemi à ployer sous nos flèches. Alaunia effleure les vantaux coulissants :
— Nous appelons ce passage le Cœur de l’Oppidum. Ici, un seul homme peut contenir mille assaillants.
Le soleil décline. Dans la clameur lointaine des armes sur le champ d’entraînement, Alaunia pose sa main contre l’échine du mur.
— Que nos pierres chantent leur prouesse à nos enfants, et que nos ancêtres veillent sur chaque sentinelle postée au sommet , conclut-elle.
Antoine le 11 Juillet 2025
Note complémentaire :
Závist (Oppidum) : Site monumental situé sur la colline de Hradiště, en Bohême centrale. Forteresse celte fondée au VIe siècle avant J.-C., considérée comme un haut lieu de résistance et de spiritualité protohistorique.
Loup-s’engluer : Nom imagé donné à des pièges défensifs creusés dans le roc, garnis de pieux. Typiques des tactiques celtes, ils incarnent la ruse et la maîtrise du terrain.
Alaunia : Nom féminin inspiré des cultures gauloises. Souvent associé à la lumière, à la clarté ou à la sanctification du territoire. Dans le récit, elle agit comme médiatrice entre le monde matériel et le sacré.
Markomans : Peuple germanique occidental, les Markomans (du latin marcomani, « hommes des frontières ») s’installent en Bohême vers 9 av. J.-C. sous l’égide du roi Marobod. Leur royaume, centré sur la forêt Hercynienne, devient une puissance militaire redoutée, notamment par Rome. Alliés aux Quades, ils participent aux grandes incursions contre l’Empire romain au IIe siècle, notamment durant les guerres marcomanes sous Marc Aurèle. Leur nom évoque la frontière, la guerre, et le déplacement des peuples germaniques à l’aube des grandes migrations barbares.

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