Le Souffle des Ancêtres (Chronique romancée du peuple boïen entre mythe et mémoire)
Chapitre 2 — Le maître du verre
Le feu crépite dans l’atelier souterrain, comme un cœur battant sous la terre. Taranis, maître verrier de Němčice, ajuste son souffle, les yeux rivés sur la masse incandescente au bout de son canne de soufflage. Le verre, encore liquide, danse dans l’air chargé de chaleur. Il façonne un cercle parfait, bleu comme le ciel d’hiver, destiné à Alaunia, prêtresse de Závist.
— Plus lentement, Eiran, dit-il à son apprenti. Le verre ne se dompte pas par la force. Il se persuade.
Taranis s’arrête un instant. Il observe le bracelet qu’il vient de créer. Il y grave une spirale blanche, symbole du souffle divin. Ce motif, retrouvé sur de nombreuses poteries boïennes, représente le cycle de la vie, le lien entre les mondes. Il sait que ce bijou ne sera pas porté pour séduire, mais pour protéger. Alaunia l’a demandé pour Eborix, le chef tombé, dont la sépulture sera bientôt scellée.
— Tu crois qu’ils nous voient, là-haut ? » demande Eiran, en désignant les collines. Taranis sourit.
— S’ils ne nous voient pas, ils nous entendent. Chaque bracelet est une voix. Chaque perle, un souvenir.
Eiran se souvient des échanges avec les peuples du sud. Les Étrusques, les Grecs, les tribus danubiennes… tous avaient laissé une empreinte subtile dans les gestes et les matières. Les Boïens commerçaient loin, troquant leur verre contre du vin capiteux, des amphores finement modelées, des pigments aux couleurs presque irréelles. Dans la danse des flammes et la transparence du verre, il reconnaît les techniques de soufflage apprises des maîtres méditerranéens, les alliages nés de secrets transmis par-delà les montagnes, les motifs gravés qui murmurent des langues anciennes
Le soir venu, Taranis nettoie son établi. Il range les outils, recouvre les moules de lin. Il pose le bracelet dans une boîte de bois, entouré de feuilles de sauge. Demain, il le remettra à Alaunia. Et dans ce cercle de verre, elle lira le souffle du feu, la mémoire du peuple, et peut-être… le murmure des ancêtres.
Antoine le 9 Juillet 2925

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