Le Dernier Contrat - Point zéro (Chapitre 7)



Chapitre 7 – La Chasse Inversée

La ville n’était plus qu’un échiquier. Samuel traquait le centre. Les fantômes prenaient forme, fil à fil.

Un nom finit par émerger, dans la bouche d’un indic : Le Courtier. Un passeur de contrats, invisible, ancien stratège des services. On lui indique un club privé, à minuit. Odeur d’alcool fort, voix basses, regards fuyants.

Face à un homme maigre aux mains tatouées, Samuel glisse une photo. Celle du Courtier.

Rictus :

— Il sait que tu viens. Il… t’attend.

Samuel prépare son Beretta. Gants noirs. Réducteur de son. Lame. Il devient ombre.

Une adresse. Un ancien manoir hors de la ville. Samuel traverse le hall, cœur battant. Au fond, un bureau éclairé par une lampe ovale.

Là, un homme d’une cinquantaine d’années, calme. Le Courtier.

— Bravo, Samuel, murmure-t-il. Tu as suivi les miettes… jusqu’ici.

— Pourquoi ? gronde Samuel, rauque.

Le Courtier le regarde, longtemps. Son sourire est pâle, presque las.

— Tu étais trop bon pour ce monde. Trop précis. Trop loyal. Et dans notre métier, la loyauté est une faille. Tu aurais fini par tout faire sauter — toi, moi, le système. Alors j’ai fait ce que personne n’osait : je t’ai brisé. Pas par haine. Par nécessité. Tu ne pouvais pas rester libre. Tu étais un risque. Alors j’ai changé les règles. Et tu as obéi, comme toujours.

Il désigne une photo sur le bureau : Claire et Tom, dans le salon.


Flashback : Le Message 

Le salon baignait dans une lumière douce. Tom construisait une tour en silence, concentré. Claire, dans le fauteuil, feuilletait sans lire. Le téléphone vibra.

Un numéro inconnu. Elle hésita. Puis décrocha.

— Claire Moreau ? dit une voix calme, presque mécanique.

— Oui… qui êtes-vous ?

— Samuel est blessé. Il vous a demandé. Il est au manoir de la Falaise, près du vieux phare. Vous connaissez l’endroit.

Un silence. Claire sentit son cœur se serrer.

— Le vieux manoir… là où on allait marcher, avant…

— Il vous attend.

La ligne se coupa.

Claire resta figée. Le téléphone glissa de sa main. Elle se leva, fit quelques pas, puis s’assit. Elle prit sa tête entre ses mains.

Le passé revenait en vagues : les nuits d’angoisse, les absences, les silences. Les regards fuyants. Les appels sans explication. Elle avait appris à ne plus poser de questions. À ne plus attendre de réponses. Elle avait fui tout cela. Pour Tom. Pour elle.

Mais maintenant, il l’appelait. Ou quelqu’un disait qu’il l’appelait.

Elle se leva, lentement. S’approcha de Tom. Le serra contre elle.

— On va voir papa, murmura-t-elle.


— Elle a reçu un appel. On lui a dit que tu étais en danger. Qu’elle devait venir. Elle a obéi. 

Samuel serre la crosse de son Beretta, caché là où même les doigts experts de l’homme de main du Courtier n’avaient pas su aller. 

— Et moi… j’ai tiré..

— Tu as suivi la règle. Deux coups. Sans visage. Sans voix. Tu n’as jamais choisi. Tu as toujours obéi.

Silence.

— Mais aujourd’hui, tu choisis, dit Samuel.

Il lève l’arme.

— J’ai le dernier contrat.

Un coup étouffé. Le Courtier s’effondre, yeux écarquillés.

Samuel reste immobile. Écoute le silence. Total. Définitif.

Il sort du manoir, traverse le jardin. L’air est froid, la nuit vaste.

Il pense à Claire. À Tom. À la tasse de chocolat chaud. À la voix qui disait « Papa, lis encore. »

Un bruit sec. Une douleur fulgurante. Le sol se dérobe.

Il tombe.

Un tireur, posté dans l’ombre. Un autre rouage. Une autre règle.

Samuel gît dans l’herbe. Le sang coule lentement. Il regarde le ciel. Il ne voit plus les étoiles. Juste le noir.

Il pense : Le contrat est accompli.

Mais son cœur bat encore.


Épilogue – Le Dernier Silence

L’aube s’étirait sur la ville, pâle et indifférente.

Samuel marchait sans but, le Beretta encore dans sa poche. L’arme n’était plus un outil. C’était un vestige. Le prolongement d’un homme qu’il ne serait plus.

Il s’arrêta devant une vitrine, vit son reflet : les traits tirés, les yeux creusés. Il pensa à Claire, à Tom. À leur rire, à leurs silences. 

Il n’y aurait pas de pardon. Pas de paix. Mais il y aurait un après.

Il jeta le Beretta dans le fleuve, sans cérémonie. L’eau l’engloutit sans bruit.

Puis il marcha, encore. Vers rien. Vers tout ce que le contrat n’avait pas dicté.

Un enfant passa près de lui, tenant un cerf-volant rouge. Le vent le souleva doucement. Samuel s’arrêta. Regarda.

Il ne sourit pas. Mais il resta là, un instant. À regarder le fil.


Fin

Antoine le 13 Aout 2025

Commentaires