A la lisière des mondes : Le serment des flibustières (Chapitre 3 et 4)

  

Le serment des flibustières (Chapitre 3 et 4)


Chapitre III – La trace ancienne sur l’océan

Le jour déclinait lorsque je fus convié à rejoindre la cabine arrière, loin de l’agitation des flots et des cris du pont. Là, dans une pénombre douce, reposait un coffret d’un bois sombre, orné de ferrures noircies par le sel  et le poids des ans.

Charlotte ouvrit lentement le couvercle, révélant à l’intérieur un objet singulier : un médaillon ancien, à la forme étrange, où s’entremêlaient des symboles inconnus. Au centre, une figure féminine, presque fantomatique, protégée par un cercle d’écriture effacée.

« On raconte qu’il appartenait à une reine dont nul ne sait plus rien, » dit-elle doucement. « Une souveraine effacée des mémoires officielles, mais dont le nom circule dans des récits secrets, des chants murmurés sur les quais. »

Mon souffle se coupa. De tous mes voyages, jamais une trace n’avait jamais été aussi directe. Ce petit objet, perdu au cœur de la mer et des légendes, semblait lier mystère et histoire comme un pont fragile entre deux mondes.

Je pris le médaillon dans mes mains. Sous mes doigts, je sentais le poids du sel, de la mémoire et du secret. 

« Comment est-il arrivé ici ? » demandai-je, la voix basse, presque sacrée.

Mary, assise non loin, répondit d’un ton calme : « Certains disent que la mer rend ce qu’elle a volé. Et que ceux qui savent regarder peuvent entendre sa voix dans le bruissement des vagues. »

Au fil des jours, j’appris que ce médaillon portait aussi l'histoire des femmes pirates, qui, dans leur lutte, avaient hérité de cette mémoire fragmentée, prolongée dans leurs actes et leurs serments.

Puis un soir, au cœur de la nuit, une silhouette se distingua sur le pont, sous la lumière tremblante d’une lanterne. Une femme que je n’avais pas encore remarquée : un visage marqué par les années, mais des yeux vifs et perçants. Elle s’approcha, ses pas résonnant sur le bois et me regarda avec une étrange bienveillance.

« Je suis Isabelle, » dit-elle simplement. « Gardienne des mémoires perdues et cantinière des secrets. »

Je lui montrai le médaillon. « Sais-tu d’où il vient ? » demandai-je.

Elle prit l’objet dans ses mains, l’examinant lentement. « Ce signe n’est pas seulement un symbole royal, » murmura-t-elle. « Il est aussi un langage codé, un pacte silencieux entre ceux qui défient l’effacement. La reine oubliée, c’est plus qu’un personnage : c’est une idée, une force qui survit parce qu’on la fait vivre. »

Isabelle m’entraîna près du bastingage, où la mer déployait ses voiles noires. « Ici, chaque vague raconte un fragment d’histoire, chaque courant emporte des secrets. Mais ceux qui savent écouter peuvent recueillir ces bribes et les recomposer. C’est ce que nous faisons. »

À l’écho de ses paroles, le médaillon sembla vibrer dans mes mains, comme sollicité par le chant de la mer. 


Chapitre IV – La trace ancienne sur l’océan 

Le lendemain matin, les premières lueurs dorées perçaient l’horizon lorsqu’Isabelle m’invita à la suivre vers la cale du navire. 

« Si ce médaillon parle, » dit-elle d’une voix basse, « peut-être ici se cachent d’autres voix prêtes à murmurer. »

L’espace était enfumé d’une odeur de bois humide, parfumé d’huiles essentielles et d’épices oubliées. Des caisses ouvertes révélaient des fragments d’archives, des cartes, des carnets griffonnés en plusieurs langues, et des objets hétéroclites glanés lors des escales.

Nous rencontrâmes d’abord Sana, une navigatrice à la sagacité tranquille, connue pour son amour des étoiles et des mythes anciens.

« Ce médaillon, » expliquai-je en lui montrant l’objet, « évoque une souveraine mystérieuse. Sais-tu si un équipage pirate aurait pu en conserver la trace ? »

Sana prit le médaillon avec précaution, le caressant presque. « Les pirates ont toujours été les archivistes du refus, » répondit-elle. « Ils recueillent tout ce que la grande histoire rejette. Ce symbole, parfois, apparaît dans des chansons ou des tatouages anciens. »

Plus loin, au fond de la cale, une vieille malle attira mon attention. En l’ouvrant, je découvris un carnet de bord, jauni par le temps et le sel. L’écriture, tremblée mais déterminée, égrenait les noms de femmes disparues, de lieux secrets, et portait une série de dessins énigmatiques, mêlant constellations et glyphes.

« Ce carnet, » murmura Isabelle, « est la mémoire vivante de cette confrérie. Chaque ligne est un trait d’union entre passé terrestre et présent marin. »

J’effleurai les pages, et un dessin attira particulièrement mon regard : un cercle partiellement effacé, semblable aux motifs gravés sur le médaillon, autour d’une silhouette féminine stylisée.

Voix basse, Sana ajouta  « Il faut comprendre que cette trace est une histoire en mouvement, partagée dans des codes, des signes, des récits racontés au creux des tempêtes. »

Cette enquête, mêlant interrogation et découverte, donnait au médaillon une dimension plus vaste encore : celle d’un témoin silencieux d’une lutte collective, portée par ces femmes invisibles aux yeux de l’Histoire.

Avec chaque fragment, chaque souffle d’archive, le lien entre la reine oubliée, l’équipage pirate féminin, et les mémoires dispersées devenait plus tangible, plus humain.


A suivre...

Antoine, le 19 Septembre 2025

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