La grande escroquerie des manuscrits : Vrain-Lucas, faussaire de génie

 Entre 1859 et 1870, Vrain-Lucas vend à Michel Chasles plus de 27 000 documents censés avoir été écrits par des personnages illustres tels que Pythagore, Marie-Madeleine, Galilée s’adressant à Pascal, Alexandre le Grand à Aristote, ou encore Jules César à Vercingétorix et à Cléopâtre. Le faussaire avait même produit des lettres de Lazare à Saint Pierre, le tout rédigé en français du XIXe siècle. Malgré ces contradictions évidentes — il n’y avait aucune raison pour que ces personnages écrivent des lettres dans une langue qui n’existait pas à leur époque — Vrain-Lucas a su exploiter l’attrait et la fascination du public pour les documents anciens.

Michel Chasles, grand collectionneur d’autographes et membre de l’Académie des sciences, fasciné par la richesse de ces trouvailles, débourse une forte somme pour obtenir ces documents inédits. Convaincu de leur authenticité, il en présente quelques-uns à l’Académie, croyant avoir fait une découverte révolutionnaire pour l’histoire et la science.

Les premiers doutes apparaissent avant 1867, lorsque des spécialistes commencent à examiner en détail les documents fournis par Vrain-Lucas. Il s’avère rapidement que ces lettres et autres documents autographes sont des faux écrits de la main du faussaire. Lorsque la supercherie est pleinement dévoilée, Vrain-Lucas est arrêté en 1869. Il était encore en possession d’un nombre étonnant de fausses lettres attribuées à des personnages célèbres tels que Cicéron, Dante, Judas, Jeanne d’Arc ou Ponce Pilate.

En février 1870, Vrain-Lucas est condamné pour falsification à deux ans de prison, une amende de 500 francs et au paiement des frais de justice. L’affaire a eu un impact considérable sur l’opinion publique et le monde universitaire, remettant en question la rigueur de la méthode scientifique de l’époque et la facilité avec laquelle même des savants pouvaient être trompés.

L’affaire Vrain-Lucas est aujourd’hui reconnue comme l’une des plus grandes fraudes intellectuelles du XIXe siècle. Elle a non seulement mis en évidence la crédulité de certaines élites assoiffées de découvertes extraordinaires, mais elle a également souligné l’admiration et la valeur attachées aux documents historiques, qu’ils soient authentiques ou non.

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