La Vallée des Masques — Le dernier rôle d’Hubert (Chapitre 8)


Chapitre 8 — Entre les pins, le silence

 Le printemps est revenu. Hubert vit désormais dans un hameau encore plus reculé, à flanc de colline, où l’on entend plus souvent le souffle du vent que les voix des hommes. Il s’est installé dans une petite maison en pierre, sans connexion, sans agenda, avec un chat borgne qui l’a adopté sans demander l’avis de personne.

Chaque matin, il prépare du café, s’assoit sur le banc face à la vallée, et regarde les premières lueurs traverser les sapins. Il a rangé le carnet noir dans une boîte qu’il n’ouvrira plus. Ce n’est pas un déni : c’est un choix. 

Il croise des gens, simples et silencieux. On lui demande parfois pourquoi il est venu ici. Il répond :

— Parce qu’ici, je n’ai plus à être quelqu’un.

Et ce « quelqu’un » qui avait cru pouvoir se reconstruire à coups d’émotions fortes, de passion éclair, de lettres troublantes, a compris que la vraie vie ne se joue pas sur une scène. Elle s’écoute, elle se tait parfois, mais elle est sincère.

Il lit beaucoup, surtout des choses qu’il ne comprenait pas avant. Il cultive un petit jardin, perd la notion du temps, et regarde les étoiles sans leur chercher un message.

Il ne cherche plus à comprendre Juliette, ni Mireille, ni les raisons qui l'on entrainer dans cette drôle d'histoire. Il sait que certaines réponses rendent plus fou que le mystère.

Et surtout, il dort. D’un sommeil tranquille, sans rêves ni murmures.


Chapitre final — Le reflet dans les cendres

Personne ne saura jamais vraiment ce qu’il s’est passé dans les replis obscurs des Cévennes. Hubert, lui, ne saura jamais s’il a découvert la vérité ou seulement effleuré ses ombres. Marc est mort pour avoir voulu trop comprendre. Juliette s’est effacée sans laisser de trace, comme un rêve au réveil.

Et ce que Hubert a vu... ce qu’il croit avoir compris... cela ne peut être raconté ici.


Ceux qui reviennent du silence

Mais finalement, ils l’ont retrouvé.

Hubert aperçoit au loin, un homme. Une casquette vissée sur le crâne, l’homme avance, d’un pas lent mais déterminé. Il n’est pas seul. Dans ses mains, une carabine de chasse, tenue comme un dernier argument, une certitude dans le chaos. Rien dans son allure ne trahit l’hésitation. Il vient vers Hubert, vers ce qu’il reste de l’histoire, vers ce qui peut être défait.

Et pour la première fois depuis longtemps, Hubert ne recule pas. Il ne fuit pas. Il attend.

Il ne sait pas s’il est sauvé. Mais désormais, il sait qu’il se relèvera. Qu’il ne sera pas une victime de plus, figée dans les marges silencieuses d’un drame trop ancien. Il portera la colère muette de ceux qui ont disparu, et le souffle inachevé de ceux qui n’ont jamais eu voix au chapitre. Il luttera pour que cela cesse, pour que la douleur n’écrive plus seule l’histoire. 

Et peut-être, parfois, c’est cela que la vie offre en dernier recours : non pas le salut, mais le feu. Une réponse sourde à un appel que l’on croyait enfoui — une présence qui signifie qu’il est temps de répondre, d’agir. 

Et cette fois, il ne vivra pas à moitié. Il vivra pleinement. Viscéralement. Réellement.


Peut-être, lecteur, vaudrait-il mieux refermer ce livre et oublier ce que tu viens de lire — car certains secrets, à trop les regarder, finissent par te regarder en retour.


De temps à autre, dans les plis obscurs d’une forêt, une boîte à musique se met à jouer seule — et c’est alors que les secrets recommencent à parler.


FIN

Antoine, le 5 septembre 2025

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