Mathieu Golovinski et les protocoles des sages de sion

 Mathieu Golovinski (1865 – vers 1920) : L’auteur probable des « Protocoles des Sages de Sion » et l’émergence d’une propagande antisémite

Mathieu Golovinski, aujourd’hui méconnu du grand public mais dont l’impact historique demeure considérable, est souvent considéré comme l’auteur probable de l’un des faux les plus célèbres et néfastes de l’Histoire : les « Protocoles des Sages de Sion ». Né en 1865 en Russie, Golovinski évolue dans un contexte politique et social marqué par la montée des tensions sociales et des pogroms contre les communautés juives. L’antisémitisme, déjà profondément enraciné en Europe, trouve dans les « Protocoles » un puissant vecteur de diffusion à l’échelle internationale.

L’origine des « Protocoles »

Les « Protocoles des Sages de Sion », publiés pour la première fois en Russie en 1903 mais diffusés massivement après 1905, se présentent comme le compte-rendu imaginaire d’une prétendue conspiration juive visant à dominer le monde. L’idée que ce texte ait été commandé par la police secrète tsariste, l’Okhrana, est plausible, mais elle n’est pas unanimement acceptée par les historiens. Il est certain que le texte a été utilisé à des fins de propagande antisémite en Russie, mais son origine exacte reste sujette à débat.

L’implication de Mathieu Golovinski dans la rédaction des « Protocoles » reste une hypothèse largement discutée : il n’existe pas de preuve formelle et irréfutable confirmant qu’il en est l’auteur. Certains historiens, comme Mikhail Lépekhine, ont avancé cette thèse en se basant sur des archives russes, mais d’autres chercheurs restent prudents sur cette attribution.

Ce faux se révèle être un plagiat presque intégral d’un pamphlet politique publié en 1864 par Maurice Joly : « Dialogue aux enfers entre Machiavel et Montesquieu ». Ce dernier, qui critiquait le régime autoritaire de Napoléon III, est réécrit pour donner l’illusion d’une réunion secrète de leaders juifs orchestrant un complot mondial.

Un faux à l’impact mondial

Initialement destiné à un usage interne en Russie, les « Protocoles » dépassent rapidement les frontières. Diffusés dans toute l’Europe et aux États-Unis, ce document devient un pilier de l’idéologie antisémite au cours du XXe siècle. Pourtant, dès le début des années 1920, les recherches sur l’authenticité du texte révèlent la supercherie. En 1921, The Times de Londres publie une enquête démontrant le plagiat du « Dialogue aux enfers entre Machiavel et Montesquieu ». Bien que cette enquête ait prouvé de manière irréfutable la falsification, certains milieux antisémites ont continué à défendre l’authenticité des « Protocoles » malgré ces révélations.

Un instrument de propagande

Le caractère fantasmatique des « Protocoles » est d’abord lié à leur utilisation comme outil de propagande. Contrairement à d’autres cas de mythomanie ou de fraude personnelle, l’objectif de Golovinski et de ses commanditaires n’était pas de duper une élite particulière, mais de créer un mythe capable de mobiliser les masses contre un ennemi imaginaire.

Il est vrai qu’Adolf Hitler a cité les « Protocoles » dans Mein Kampf, mais leur influence sur l’idéologie nazie est souvent exagérée. Les nazis ont largement utilisé d’autres sources antisémites pour justifier leur politique, et les « Protocoles » n’étaient qu’un élément parmi d’autres.

Persistance d’un mythe

Malgré les preuves accablantes du faux, de nombreux groupes continuent aujourd’hui à s’y référer comme s’il s’agissait d’un document authentique. Les milieux d’extrême droite en Europe, aux États-Unis et dans certains pays du Moyen-Orient, ainsi que certains cercles islamistes, perpétuent cette imposture. Des personnalités telles que Richard Williamson, évêque négationniste, et divers mouvements complotistes en font encore usage pour alimenter la haine antisémite.

Conclusion

Mathieu Golovinski, mort vers 1920, est aujourd’hui considéré comme l’auteur probable de ce faux, même si son implication n’a jamais été formellement prouvée. Les « Protocoles des Sages de Sion » démontrent à quel point la falsification peut être un puissant outil de manipulation politique et sociale. Même après la publication de preuves irréfutables de la supercherie, le document continue de prospérer dans certains cercles, prouvant que des mensonges soigneusement construits peuvent avoir un effet durable et dévastateur.

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