Chapitre 5 : Aux confins du réel : quand la peur défie la raison
Dans le silence qui suivit, l’air sembla se figer, comme si la ville elle-même retenait son souffle.
Un frisson parcourut Nathaniel Kerr. Ce n’était pas seulement la crainte, mais cette troublante impression d’être observé — par une présence qui semblait connaître ses pensées, ou par le malaise qui envahissait toute la ville.
Madame Fairchild, elle, restait immobile, les yeux fixés sur l’endroit où la silhouette s’était évanouie. Elle murmura :
— Ce visage… Il me revient… Je crois le reconnaître. Elle s’appelait Isolde. Une femme disparue il y a plus d’un siècle, autrefois liée à l’Ordre des Veilleurs. Isolde était connue pour ses talents de médium ; certains disaient qu’elle avait sombré dans la folie après avoir essayé, en vain, de protéger Londres d’un mal invisible.
Nathaniel Kerr fronça les sourcils, partagé entre la logique du policier et des intuitions nées de l’épuisement et du doute. Ces histoires de médiums et de sociétés secrètes lui semblaient invraisemblables; pourtant, une partie de lui craignait que l’hystérie collective ne deviennent plus dangereuses que la vérité elle-même.
Mais avant qu’ils n’aient le temps d’approfondir cette piste, d’autres signes — tout aussi inexplicables, mais parfois déformés par les rumeurs et la presse — détournèrent leur attention. Les journaux, avides de sensationnel, se mirent à amplifier chaque témoignage, à propager une atmosphère de psychose. Certains articles présentaient chaque évènement comme la preuve d’une force diabolique à l’œuvre, contribuant à faire basculer l’opinion publique dans la peur.
Tandis que le médaillon enveloppé dans un linge de soie reposait sur le bureau de Nathaniel Kerr, une nouvelle affaire émergea des ténèbres, encore plus troublante.
Les disparitions se multipliaient dans plusieurs quartiers de Londres : des gens s’évanouissaient dans les parcs au crépuscule, d’autres ne revenaient plus de leur emploi le soir, certains semblaient s’effacer au détour d’une boutique animée. Parfois, il s’agissait de passants ordinaires croisés chaque jour ; d’autres fois, ce n’étaient que figures fantomatiques, des noms chuchotés dans les ruelles, dont personne ne savait vraiment qui ils étaient ni ce qui leur était arrivé. Les témoignages se contredisaient, les faits restaient flous, et il était impossible de dire si ces absences étaient des drames réels ou simplement nés de la peur et de la rumeur.
La ville s’affolait. Une étrange confusion gagnait toute la population : des horloges s’arrêtaient sans raison, des brumes épaisses plongeaient des rues dans le silence, et, dans la rumeur, les habitants eux-mêmes semblaient désorientés, perdus dans leur propre quartier. Beaucoup se plaignaient de ne plus reconnaître les lieux familiers, de s’égarer sur le chemin du retour, ou même d’oublier pourquoi ils étaient sortis.
Nathaniel Kerr prit soin d’interroger les témoins dans la lumière du jour, pour distinguer ce qui relevait de la crainte, du rêve ou d’une réelle mystérieuse agitation. Il constata bientôt que certains indices pouvaient s’expliquer par des phénomènes naturels ou des actes de sabotage, mais le climat de suspicion restait insurmontable.
Les rumeurs enflaient, renforcées par un effroi collectif. On parlait d’une force ancestrale tapis sous la cité, réveillée par la peur des habitants — mais au fond, était-ce un réel pouvoir occulte, ou le fruit de leur imagination ?
Face à cette escalade, Nathaniel Kerr et son équipe furent convoqués dans les profondeurs du British Museum. Parmi les artefacts et les reliques des premières civilisations britanniques, un conservateur leur remit des parchemins énigmatiques. Ils évoquaient un pacte ancien, scellé entre des entités et certains ancêtres de Londres, dont la nature restait mystérieuse pour la plupart des Londoniens. Peu savaient officiellement ce qu’impliquait cet accord ; il avait souvent été gardé secret, entouré de rumeurs selon lesquelles il aurait été conclu tant par des canailles et criminels que par des personnalités influentes, parfois issues du monde politique, dont la réputation était loin d’être irréprochable. Nathaniel Kerr ne pouvait s’empêcher de s’interroger sur ces noms respectables apparaissant aux côtés des autres figures moins honorables, se demandant quels intérêts obscurs avaient pu les lier à ce pacte, et pourquoi ils avaient choisi de garder ce secret à tout prix.
— Ce n’est plus vraiment une enquête, s'exclama Nathaniel Kerr en refermant le parchemin, la voix voix teintée de doute. On semble plonger dans un mystère qui dépasse notre compréhension — ou peut-être dans un assemblage d’histoires que personne ici ne saura jamais entièrement démêler
Cette nuit-là, Nathaniel Kerr rêva d’une ville engloutie sous la brume, où les les aiguilles des horloges tournaient à l’envers et les visages se dissolvaient dans les murs. Il se tenait au bord d’un gouffre ; au fond, une femme l’attendait, les yeux vides, le médaillon dans la main. Au réveil, il se demanda si le cauchemar était pure fiction, ou le symptôme d’une ville malade terrifiait.
Dès lors, l’enquête prit une tournure vertigineuse.
Il ne s’agissait plus de traquer une créature, mais de comprendre l’engrenage qui mêlait mémoire, magie et réalité, dans une course contre la montre où Londres risquait de sombrer dans un chaos nourri autant par ses propres démons que par des présences peut-être imaginaires.
Le principal danger, pensa Nathaniel Kerr, n’était pas l’entité elle-même, mais la manière dont la peur modifiait la ville et ses habitants, laissant chacun prisonnier d’une histoire qu’il croyait vraie, même lorsque la vérité se faisait insaisissable.
Tandis que Nathaniel Kerr s’enfonçait toujours plus dans ce labyrinthe d’ombres et de doutes, une invitation mystérieuse le conduisit vers un manoir discret de Bloomsbury. Là, face à Lord Blackwell, il allait découvrir que les symptômes visibles de l'effroie n’étaient que la surface d’un secret bien plus ancien, où magie et pouvoir se mêlaient dans une lutte sans fin.
A suivre...
Antoine, le 10 octobre 2025

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