Mister JTR Livre 1 chapitre 9


Chapitre 9 : Le Dernier Geste

Quelques jours après la fin de l’enquête, alors que Londres reprenait lentement son souffle, l'inspecteur Nathaniel Kerr se rendit seul dans un petit cimetière de l’Est londonien. Le ciel bas et lourd pesait sur la ville, tandis que la terre encore humide exhalait une odeur de mousse et de feuilles mortes. Les pierres tombales, penchées et rongées par le temps, semblaient s’enfoncer lentement dans le sol, comme des souvenirs qu’on voulait effacer.

Il s’arrêta devant une sépulture modeste, isolée, sans aucune fleurs. Une plaque de cuivre, ternie et griffonnée, portait un prénom à peine lisible : Eliza. Aucun nom, aucune date. Juste ce prénom, gravé à la hâte.

Nathaniel Kerr posa doucement son chapeau, le regard fixé sur cette inscription usée. Un poids familier l’accabla, mêlant tristesse et colère contenue. « Elle n’était pas un spectre, murmura-t-il. Elle n’était pas une légende. Elle était une femme qui ne souhaitait que vivre. »

Un souffle glacé fit craquer les branches, soulevant des feuilles mortes qui dansèrent autour de lui comme pour balayer les traces de cette histoire tourmentée. Un frisson lui parcourut l’échine ; il crut voir, fugacement, une ombre glisser entre les pierres. Était-ce un reste de peur qui avait rongé la ville, ou le dernier écho d’un secret jamais dissipé ? Il secoua la tête, écartant ce doute.

Cette tombe modeste demeurait le seul témoignage d’une vie broyée par des mains humaines. L'inspecteur Nathaniel Kerr fit alors une promesse silencieuse : garder vivante la mémoire d’Eliza.

Dans le froid et la solitude du cimetière, il comprit que sa quête n’était pas terminée. Tant que des forces obscures chercheraient à se nourrir des failles des vivants, il serait là, vigie obstinée, gardien de ce souvenir fragile.  Il se savait désormais lié à une mission plus grande que lui. La vérité, aussi âpre soit-elle, demeurait sa seule arme contre les ténèbres de l’esprit.

 Dans les récits que l’on tisse, dans les légendes que l’on bâtit, il faut toujours se souvenir que derrière chaque mythe se cache une vérité. Et parfois, une victime.

Il releva lentement la tête. Un brouillard intime et persistant serpentait entre les tombes, caressait les pierres, comme une présence fidèle qui refusait de disparaître. Nathaniel Kerr songea aux milliers d’anonymes que la misère et la cruauté avaient réduits au silence, et qui, par leurs craintes et leurs inquiétudes face à des lendemains difficiles, avaient offert aux conspirateurs les armes de leur domination.

Marqué par cette épreuve, il poursuivrait dans l’ombre, sans attendre ni récompense ni reconnaissance. Il savait que la vérité ne pouvait être partagée sans être aussitôt déformée. Il porterait un regard désormais lucide, capable de déceler les véritables menaces — celles qui se cachent dans les discours, les institutions, les regards trop polis. Car les monstres les plus dangereux n’avaient ni crocs ni griffes : ils portaient des gants, des titres, parfois des sourires.

Et dans le silence d’un Londres qui l’avait déjà oubliée, la mémoire d’Eliza brillerait comme une flamme fragile.

Ce fut dans ce même cimetière, par un matin gris, que l'inspecteur Nathaniel Kerr croisa pour la première fois Edgar Mallory. Le journaliste, penché devant une tombe effacée, semblait chercher autre chose qu’un nom gravé. Leurs regards se croisèrent. Rien ne fut dit, mais quelque chose passa : une reconnaissance muette.

Nathaniel Kerr comprit aussitôt que sa présence n’était pas fortuite. Mallory n’était pas venu se recueillir, mais pour exhumer une vérité. Il avait suivi les traces, déchiffré les silences, et s’était approché assez pour que leur rencontre devienne inévitable.

Nathaniel Kerr sortit un papier de sa poche, y inscrivit quelques mots à l’intention de Mallory. Il glissa soigneusement la note dans une enveloppe qu’il referma doucement, puis la déposa sur le rebord d’un monument funéraire. Mallory, immobile, observait la scène sans intervenir. Un instant passa. Puis, simplement, il tendit la main et s’empara de l’enveloppe. Le papier entre les mains, il ignorait encore que ce geste allait bouleverser le cours de leurs destins.

Après des mois à chercher une piste tangible, il tenait enfin un indice à la hauteur de ses attentes. Mallory comprit que le document que Nathaniel Kerr lui avait remis n’était pas sans conséquences — il était un point d’entrée vers des vérités enfouies. Ce serait le début d’un jeu dangereux, mais il était prêt..


Bientôt la suite : Mister JTR Livre 2

Antoine, le 11 octobre 2025


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