Naples, sous le souffle du Vésuve - Les Quartiers Espagnols et (Quatrième partie)

Les Quartiers Espagnols et Spaccanapoli


 Au quatrième jour, je décidai de m’éloigner un instant du tumulte urbain pour découvrir un autre visage de Naples : celui de la mer. Je pris le chemin de la Spiaggia di Marechiaro, nichée dans le quartier paisible de Posillipo. Là, les eaux cristallines caressaient les rochers avec une douceur presque irréelle, et le chant des vagues semblait murmurer des secrets anciens.

Je m’allongeai sur le sable chaud, le regard perdu dans l’azur infini. Le soleil baignait la baie d’une lumière dorée, et le Vésuve, majestueux, veillait au loin comme un gardien silencieux. Ce moment suspendu me fit réfléchir. Était-ce la ville qui me rendait romantique, ou Amelia elle-même, avec sa voix douce et son regard qui semblait toujours deviner mes pensées ?

Je ne savais plus très bien où finissait Naples et où commençait mon cœur. Chaque pierre, chaque ruelle, chaque sourire croisé semblait me rapprocher d’elle. Je tombais peu à peu amoureux — de la ville, de son chaos sublime, et d’Amelia, qui en était l’âme vivante.

En fin de journée, je la retrouvai avec une impatience que je ne cherchais plus à dissimuler. Elle nous attendait près d’un vieux lampadaire, un carnet à la main, prête à nous guider vers les Quartiers Espagnols, ce labyrinthe vibrant où l’histoire et la vie s’entrelacent.

Le soleil plongeait vers l’horizon lorsque nous arrivâmes aux portes des fameux Quartiers Espagnols. L’agitation de Naples cédait ici la place à un chaos ordonné : ruelles étroites, balcons serrés, linge multicolore flottant dans la brise, vespas vrombissant entre les passants.

« Bienvenue dans l’un des cœurs les plus authentiques et contrastés de Naples », annonça Amelia en désignant un pan de mur couvert de fresques colorées. « Ces quartiers doivent leur nom à la garnison espagnole installée ici au XVIᵉ siècle, lorsque la Couronne d’Espagne, alors maîtresse du royaume de Naples, voulait garder un œil sur cette ville indomptable. »

Une jeune femme fit signe vers une petite place animée. « Ces rues ont l’air de vivre d’elles-mêmes. Quel lien avec l’Espagne ? »

« Tout est dans la trame urbaine », répondit Amelia. « Une grille rigoureuse de rues parallèles et perpendiculaires, pensée pour faciliter le contrôle militaire. Mais au-delà de cette stratégie, ce quartier est devenu un creuset de cultures. Vous y verrez l’empreinte espagnole dans l’architecture, les palais, et surtout dans la vie foisonnante de ses habitants. »

En avançant, nous traversâmes des marchés bruyants, des églises baroques dissimulées, et plus de quatre cents petits autels dédiés à la Vierge Marie, nichés dans les recoins les plus secrets du quartier.

Un homme demanda avec curiosité : « On parle beaucoup de la Camorra ici, ce quartier est-il dangereux ? »

Amelia soupira, sérieuse. « C’est une réalité complexe. Ces rues ont longtemps été marquées par la précarité sociale et l’influence camorriste. Mais elles sont aussi le théâtre d’une solidarité profonde, d’une culture populaire vibrante et d’initiatives citoyennes. Ici, la vie lutte, résiste, danse. »

Au détour d’une ruelle, nous découvrîmes la Basilique Saint-Jacques-des-Espagnols, imposante et chargée d’histoire. « Elle fut un refuge pour les Espagnols et les Napolitains en temps de conflits politiques. Aujourd’hui, elle demeure un témoin des liens profonds entre ces deux cultures. »

Alors que la nuit tombait doucement, Amelia conclut : « Les Quartiers Espagnols sont Naples dans toute sa force brute. Ils respirent la vie, la résistance et la passion. Mais ce n’est qu’un des mille visages de la ville. Le voyage continue, et Naples a encore tant à vous dévoiler. »

 Alors que la nuit s’installait doucement sur les toits de Naples, nous quittâmes les ruelles vibrantes des Quartiers Espagnols, encore imprégnés de leurs couleurs et de leurs voix. Le tumulte s’estompait peu à peu, et nous reprîmes le chemin inverse, longeant à nouveau les artères familières.

Spaccanapoli, cette artère mythique qui tranche littéralement Naples en deux, nous accueillit comme une vieille amie, avec ses lumières tamisées et ses parfums persistants de café et de sfogliatelle. Ce retour vers notre lieu de résidence, au cœur du centre historique, nous offrait une dernière promenade dans cette rue qui semble contenir toute l’âme de Naples.

« Spaccanapoli, » annonça-t-elle, « signifie littéralement « la rue qui coupe Naples ». Elle est le fil rouge de l’âme populaire et historique de la ville, un lieu où passé et présent vivent côte à côte dans un mélange vibrant et inoubliable. »

Les ruelles étroites, bordées de façades colorées aux volets déglingués, faisaient résonner les échos des pas et des conversations. Des vendeurs ambulants proposaient des fruits frais tandis que les odeurs alléchantes de café torréfié et de pâtisseries se mêlaient dans l’air.

Un garçon du groupe pointa du doigt une pizzeria animée. « C’est ici qu’est née la pizza Margherita, non ? »

Amelia sourit. « Dans chaque coin de cette rue respire la gastronomie napolitaine. Je crois que je vous en avais déjà parlé, mais saviez-vous que la toute première pizzeria aurait ouvert près de Port'Alba, au XVIIIᵉ siècle ? Ce lieu est considéré comme le berceau de la pizza napolitaine moderne. Et en 1889, le pizzaiolo Raffaele Esposito prépara trois pizzas pour la reine Margherita de Savoie, venue visiter Naples. L’une d’elles, composée de tomates, mozzarella et basilic — les couleurs du drapeau italien — fut sa préférée. Il la baptisa en son honneur : la pizza Margherita. »

Elle marqua une pause, puis ajouta avec tendresse : « Mais Spaccanapoli, ce n’est pas seulement une histoire de saveurs. C’est aussi un musée vivant : églises baroques, ateliers d’artisans, places ombragées où les anciens jouent aux cartes, et ruelles où chaque pierre semble porter un souvenir. »

Ils s’arrêtèrent devant l’église San Domenico Maggiore, imposante et richement décorée. « Un sanctuaire de l’histoire religieuse et culturelle napolitaine, » expliqua Amélia. « Ces pierres ont vu les grands événements, les processions, les célébrations populaires. »

Une femme enceinte, émerveillée, murmura : « Ici, on ressent vraiment la vie de Naples, intense et authentique. »

Amélia acquiesça. « Spaccanapoli, c’est le cœur qui bat de la ville, qui palpite sous le rythme des chants napolitains et du tumulte joyeux de ses habitants. C’est un lieu qui invite à la contemplation mais aussi à l’émerveillement quotidien. »

Amélia conclut : « Cette rue raconte Naples comme un livre d’histoires infinies. Venez, laissez-vous encore surprendre par cette ville au charme éternel. »


A suivre...

Antoine, le 1er octobre 2025

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