Naples, sous le souffle du Vésuve - Naples souterraine et gourmande (Septième partie)

Naples souterraine et gourmande

 Le sixième jour, je me suis réveillé avec une hésitation tenace. Naples souterraine m’appelait depuis le début du voyage — ce réseau invisible, chargé d’histoire et de mystère, me fascinait. Pourtant, ce matin-là, l’envie de m’y rendre se heurtait à une autre réalité : le départ approchait, et avec lui, le vertige des adieux.

Je n’étais pas certain de vouloir croiser Amelia à nouveau. Depuis notre dernière conversation, un trouble s’était installé. Elle avait cette manière de parler de la ville comme si elle en était l’âme, et moi, je ne savais plus si je venais pour Naples… ou pour elle.

Tiraillé entre le désir de découvrir ces entrailles millénaires et la crainte de raviver des sentiments que je n’étais pas prêt à nommer, je suis resté longtemps devant la fenêtre, à regarder le ciel pâle de Naples s’éclaircir lentement.

Le départ était plus qu’imminent. Chaque heure semblait me rapprocher d’un point de bascule. Et pourtant, quelque chose en moi refusait de partir sans avoir vu ce que la ville cachait sous ses pavés.

Alors j’ai pris une décision. Une dernière plongée. Une dernière chance.

Amelia nous arrêta devant un discret portail, presque dissimulé par le tumulte de la ville. « Aujourd’hui, » annonça-t-elle, « nous allons plonger sous les rues animées de Naples, dans une ville secrète où le temps semble s’être figé. Bienvenue dans Naples souterraine. »

Une lanterne éclaira doucement nos premiers pas dans un labyrinthe de galeries et de cavités. « Sous cette ville si vivante, règnent des kilomètres de tunnels, d’aqueducs antiques et de catacombes mystérieuses, » expliqua Amelia. « Ces galeries ont été creusées par les Grecs, étendues par les Romains, fortifiées au Moyen Âge… Car Naples vit à plusieurs profondeurs. »

Nous descendîmes vers l’étonnante Napoli Sotterranea, un réseau d’anciennes carrières de tuf, cette pierre poreuse qui a servi à bâtir les palais, les églises et les ruelles au-dessus de nos têtes. « Imaginez les ouvriers creuser dans l’obscurité, extrayant la matière même de la ville. »

Le passage nous mena vers des refuges de la Seconde Guerre mondiale, silencieux et chargés d’émotion. « Ici, Napolitains et animaux trouvèrent abris précaires, une ville cachée dans la ville. »

Puis vinrent les catacombes de San Gennaro et San Gaudioso, où la lumière danse sur des fresques évoquant la foi des premiers chrétiens. « Ces lieux sacrés sont une porte vers un monde mystique, à la fois lieu de silence et de souvenirs. »

Une voix trembla un peu : « C’est incroyable… Sous la ville, il y a toute une autre vie. »

Amelia sourit. « C’est ça Naples : une ville aux multiples visages, qui vous invite à découvrir l’invisible, le secret des âges. Ce voyage au cœur de ses entrailles est une leçon d’histoire, mais aussi une invitation à la réflexion. »

À la sortie, la lumière du jour envahit nos visages fatigués mais émerveillés. Naples, à la fois ancienne et vivante, s’étalait devant nous, riche de ses secrets et de ses promesses.

Alors que le jour déclinait et que les premières lumières s’allumaient dans les ruelles, Amelia nous entraîna vers une nouvelle expérience : une immersion dans le cœur vibrant de la ville — sa gastronomie et ses traditions festives.

« Naples, » lança-t-elle avec un sourire contagieux, « se goûte autant qu’elle se vit. La cuisine ici est un langage, une mélodie d’ingrédients simples mais d’une générosité débordante. »

Alors que nous approchions d’un petit four à bois, l’odeur alléchante de la pâte dorée et du basilic frais flottait dans l’air. Amelia s’arrêta, le regard pétillant.

Un jeune homme, déjà affamé, demanda : « Quelle est la vraie pizza napolitaine ? »

Un jeune homme, visiblement nouveau, observait les pizzaiolos avec fascination. Je me tournai vers lui, intrigué.

« Mais… votre visage, je ne pense pas l’avoir vu avant. Vous êtes nouveau dans le groupe ? » demandai-je.

Le jeune homme acquiesça timidement, un sourire discret aux lèvres. « Oui… je viens d’arriver ce matin. »

Amelia sourit, comme si elle avait entendu la question sans qu’on lui adresse directement la parole. « Ah, la pizza Margherita… Je crois que nous en avons déjà parlé plusieurs fois, mais elle mérite qu’on y revienne. Sauce tomate, mozzarella di bufala, basilic frais — les couleurs du drapeau italien dans une assiette. Un hommage à la reine Margherita, et un symbole de Naples. »

Elle fit un geste vers le four incandescent, où la pâte tournait doucement sur la pierre brûlante. « Simple en apparence, mais chaque ingrédient ici raconte une histoire. Et comme Naples, elle est généreuse, vibrante, inimitable. »

Elle fit un signe vers une autre spécialité. « Mais ne vous laissez pas tromper par la simplicité apparente ! La pizza fritta, croustillante et parfumée, ou la calzone, pièce maîtresse de la cuisine de rue, sont autant de délices à savourer dans chaque quartier. »

Nous nous aventurâmes ensuite parmi les étals colorés du marché de la Pignasecca, où poivrons rouges, citrons dorés, olives noires, fromages délicats et poissons frais composaient un tableau chatoyant. « Le marché n’est pas qu’un lieu d’échange, c’est une fête des sens. Les marchands, souvent en famille depuis des générations, vendent avec fierté leur terroir, leur identité. »

Amelia nous invita à goûter aux pâtisseries emblématiques : la sfogliatella, feuilleté au ricotta et aux agrumes, et le babà, imbibé de rhum, héritages d’une histoire culturelle complexe.

Puis la nuit s’anima de sons et de rires. Nous rejoignîmes une place où des musiciens jouaient une canzone napoletana, cette musique traditionnelle vibrante d’émotion, qui parle d’amour, de mer et de nostalgie.

« Mais plus que tout autre moment, Naples se révèle dans sa fête majeure, » annonça Amelia, le regard brillant. « La fête de San Gennaro, saint patron de la ville, est un événement où la foi profonde se mêle à la joie populaire. Une célébration qui rassemble toute la communauté avec ferveur. »

Elle raconta l’histoire millénaire de San Gennaro, évêque martyr du IIIᵉ siècle, dont le sang conservé dans une ampoule est censé se liquéfier miraculeusement trois fois par an. « Ce miracle, attendu avec impatience dans la cathédrale, est perçu comme un signe de protection et de bon augure pour Naples. »

Nous imaginâmes la procession grandiose où l’on porte la statue sacrée du saint dans les rues, accompagnée de chants, de prières et d’applaudissements, tandis que des marchés et concerts animent les abords du Duomo.

« La fête de San Gennaro, » conclut Amelia, « est bien plus qu’une cérémonie religieuse. C’est un immense carnaval de saveurs, d’énergies et d’espoirs, où chaque Napolitain célèbre sa mémoire et son attachement à cette ville magnifique et complexe. »

Aux éclats des feux d’artifice, sous un ciel étoilé, nous savions que notre voyage à Naples nous avait offert un aperçu inoubliable d’une cité où l’histoire, la culture et la vie quotidienne se mêlent pour créer une symphonie unique.

« Mais le monde est vaste, » sourit Amelia en regardant l’horizon. « Naples est une merveille parmi d’autres, et demain, notre aventure nous emmènera vers une autre destination, un autre trésor à découvrir. Préparez-vous à ouvrir un nouveau chapitre... »


Naples souterraine et gourmande

A suivre...

Antoine, le 2 octobre 2025


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